Sécheresse : la vigilance s’impose pour éviter la maladaptation 

Communiqué de presse de FRENE 66 du 05 février 2024

Sécheresse : la vigilance s’impose pour éviter la maladaptation 

La sécheresse dans les Pyrénées-Orientales continue et nous manquerons bientôt de superlatifs pour la qualifier.

Face à cette crise, une mission interministérielle va rendre ses conclusions pour « des solutions opérationnelles ». 

Elle a déjà constaté qu’elle n’était pas en mesure de connaître ni les prélèvements ni les besoins d’eau agricole. Il semblerait que son rapport ne puisse alors pas être d’une grande utilité pour préconiser  des solutions.

Nous rappelons, que l’évaluation du Bilan Besoins Ressources (BBR) est une démarche incontournable dans le cadre des Projets de Territoire pour la Gestion de l’Eau (PTGE). Que ce soit dans ce cadre, qui tarde à arriver dans les Pyrénées-Orientales ou celui de son prédécesseur le Plan de Gestion de la Ressource en Eau (PGRE), la logique est la même. Il faut avoir une connaissance parfaite des prélèvements actualisés à ce jour avant d’envisager la moindre solution de stockage. Cette connaissance est le fondement même de la substitution.

Où en sommes-nous de la connaissance ? Le Schéma Directeur des Eaux Brutes Agricoles (SDEBA), mené conjointement avec l’étude Eaur’hizon 70 des syndicats de bassin et des nappes, vient seulement de débuter en 2023 et va se poursuivre jusqu’en 2025. Ce travail prospectif poursuit un double objectif qui n’est pas uniquement le stockage. D’une part, il doit permettre d’élaborer des actions permettant à l’agriculture de se maintenir, en adaptant les pratiques face au changement climatique. D’autre part, construire un schéma directeur de projets et d’aménagements hydrauliques en respectant l’objectif d’équilibre quantitatif des masses d’eau prévu dans le SDAGE et dans les SAGE.

Cette acquisition des connaissances, lacunaire à ce jour comme l’a souligné la mission interministérielle, ne permet pas d’envisager immédiatement des solutions structurelles de stockage comme on peut le lire ici ou là dans la presse. En effet, le principe de la substitution pour ce type d’équipement découle du Bilan Besoin Ressource (BBR) et nous serons particulièrement vigilants sur ce point.

Depuis le Varenne de l’eau, la position du gouvernement est de développer dans l’urgence ce type de solutions pour répondre aux desiderata des représentants de l’agriculture intensive face au changement calimatique.  On constate, dans cette crise agricole, une volonté de l’État de reculer sur les normes et les études nécessaires pour répondre à des problématiques complexes et qui nécessitent forcément du temps long. 

Nous restons dans l’attente de connaître dans le détail les projets qui ont été évoqués lors de la réunion de politique publique de l’eau en préfecture de Perpignan le 30 janvier.

Notre fédération s’est déjà prononcée contre le stockage de substitution de type bassine, elle y préfère le stockage dans les nappes, bien plus résilient.  Cette position ne relève pas du dogmatisme, mais d’un consensus scientifique qui explique que face au changement climatique ce n’est pas la solution bassines ou retenues collinaires les plus efficientes. L’évaporation pourrait y être de 20 à 60 %, problème d’eutrophisation… La mission préconisant d’ailleurs pour les piscines des particuliers des bâches pour cet été.

Nous attendons surtout une politique de sobriété et de réorientation de la production agricole ainsi que des solutions fondées sur la nature dans la gestion du grand cycle de l’eau.

Sur le volet urbanisation, la FRENE 66  appelle  à un moratoire dans le département. Mais que ce soit du côté des maires ou  des services de l’État, on ne semble pas vouloir en entendre parler. 

Les premiers, par la voie de l’association des maires du département affirment « Nous ne sommes pas là uniquement pour distribuer de l’eau, nous devons  veiller également à développer nos communes pour ne pas en faire des réserves d’indiens ».

Ignorent-t-ils que l’eau à distribuer ne sera pas au rendez-vous ? La liste d’une trentaine de communes avec un risque sur la distribution d’eau potable étant passée à 42 lors du comité du 29 janvier dernier, dont 5 communes en rupture et une en restriction sur la qualité suivant les données de l’Agence Régionale de Santé (ARS). On note d’ailleurs la plus grande discrétion quant aux noms des communes figurant sur cette liste. 

Pour l’état, les maires doivent prouver que leurs communes ont bien la ressource pour signer les autorisations d’urbanisme, dans le cas contraire la décision serait illégale. La Mission Régionale de l’Autorité Environnementale (MRAE), dans un avis du 10 janvier 2022, constate qu’une quinzaine de projets de ZAC conséquents depuis 2017 dans la plaine du Roussillon ont été autorisés par les maires sans que l’adéquation besoins-ressources en eau  soit démontrée par les collectivités. Le manque d’eau n’a donc pas empêché ces projets.  Le contrôle de légalité est-il intervenu ? Non à notre connaissance.

La FRENE 66 avait déjà relevé pour 2021 le dépassement de la trajectoire issue de la loi Zéro Artificialisation Nette, aussi bien sur la plaine du Roussillon (+68%) que sur le SCOT Littoral Sud (+200%). Cette loi devait normalement inciter les communes à consommer moins de fonciers (-50%) sur 2021-2031. On nous rétorque que ce sont  « des coups déjà partis avant l’application de la loi ».

La presse locale s’est fait l’écho récemment dans la même semaine de deux opérations d’aménagement pour 2024-2025 sur la ville de Perpignan, de 60 ha pour un projet de parc d’attractions et de 18 ha pour l’urbanisation du Mas Delfau. Soit un total de 78 ha pour la seule ville de Perpignan, alors même que la trajectoire ZAN est de 61,5 ha pour les 36 communes de Perpignan métropole.

En 2024, les coups continuent de partir, accentuant les difficultés à venir et illustrant le déni climatique qui baigne dans l’agglomération de Perpignan malgré les 24°C constatés ce 4 février.