Avis sur la demande d’enregistrement d’une installation de stockage de déchets inertes (ISDI)

Avis sur la demande d’enregistrement d’une installation de stockage de déchets
inertes située sur la commune d’Argelès sur mer, dans le massif des Albères au lieu dit « Salt d’en Carbasse »

 

Monsieur le Préfet,

C’est avec stupéfaction que nous découvrons le projet de la municipalité d’Argelès-sur Mer de créer une Installation de Stockage de Déchets Inertes – qui est une Installation
Classée pour la Protection de l’Environnement – en plein massif des Albères, patrimoine naturel emblématique, à proximité immédiate du site du château de Valmy,
pour un volume de 33.000 m3 pendant une durée de 30 ans, sans précision formelle de la nature des déchets inertes qui y seront admis.
L’une des justifications de ce projet est le transfert d’un dépôt de terres actuellement situé au lieu dit « La Prade Basse » prés du port d’Argelès.
L’historique de ce stockage illégal en pleine zone humide et inondable, est totalement opaque, et ne peut en aucun cas provenir d’un terrassement qui aurait eu lieu dans les
criques de Porteils comme affirmé par la commune.
La terre entreposée sur ce site est principalement composée de limons et d’alluvions, elle est exempte des schistes caractéristiques de la géologie des criques de Porteils.
Nous tenons à souligner que cette terre végétale est facilement réutilisable (après criblage) dans les divers espaces verts de la commune ou de la communauté de communes. Elle ne peut pas être considérée comme un simple « déchet » destiné à être enfouie dans la future ISDI.
Tout ceci sans concertation préalable de la population et, comme d’habitude, sans aucune proposition de solutions alternatives.
En témoignent les délibérations du conseil municipal qui nous apprennent que c’est bien après avoir acquis les terrains pour cet usage que la commune se trouve finalement aujourd’hui amenée à consulter la population.
Nous vous demandons, Monsieur le  Préfet, de bien vouloir refuser l’enregistrement de ce projet de création  ’ISDI dans ce site.

  • En effet, nous vous signalons que:
  •  Le projet est situé dans une Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique (ZNIEFF) de type II, ainsi que dans une Zone Importante pour la Conservation des Oiseaux (ZICO) qui vont être troublés par les va-et-vient incessants des camions et des engins de terrassements.
  • Le projet est situé à proximité immédiate de sites Natura 2000, directives oiseaux et directives habitats, et ne comporte aucune évaluation des incidences sur ces sites.
    Or, il est de la responsabilité des maîtres d’ouvrage de s’assurer que leur projet n’entraîne pas d’incidences sur le réseau Natura 2000, même si l’opération projetée n’intercepte pas le périmètre de protection.
  • Ce projet ne s’appuie sur aucun document justifiant la compatibilité de l’ISDI avec les plans, schémas et programmes existants sur le territoire tels que SDAGE, SAGE, Schéma régional des carrières, Plans national et régional de prévention et de gestion de déchets.
  • Le Plan Local d’Urbanisme, approuvé récemment, ne planifie nullement ce projet.
    Il y est au contraire précisé : « Le Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) vise donc, au-delà des projets de développement, à assurer une implantation des installations d’intérêt collectif ou liés à du service public qui ne soit pas impactante dans le paysage argelésien. » La zone (secteur Nb) présente des éléments patrimoniaux repérés au titre de la Loi Paysage (retranscrite à l’article L151-19 et L151-23 du code de l’urbanisme) sur le plan de zonage et pour lesquels des dispositions règlementaires garantissent leur préservation et leur mise en valeur.
    Selon les dispositions de l’article R421-23 h du code de l’urbanisme, doivent être précédés d’une déclaration préalable les travaux, ayant pour effet de modifier ou de supprimer un élément que le plan local d’urbanisme a identifié, en application de
    l’article L151-19 ou de l’article L151-23, comme présentant un intérêt d’ordre culturel,
    historique, architectural ou écologique.
    Quant au règlement du PLU pour ce secteur, il y est précisé :
    « Dans l’ensemble de la zone N sont interdites :
    • « L’ouverture ou l’exploitation de carrières, gravières ou décharges. »
      NB : Même en cas d’un projet d’intérêt public.
    • « Les terrassements, affouillements et exhaussement de sol non liés à la réalisation
      d’une infrastructure d’intérêt public »
      Remarque : Ce projet n’a fait l’objet d’aucune Déclaration d’Utilité Publique (DUP)
  • Il est également en contradiction avec le Projet d’Aménagement et de Développement Durable du SCoT qui précise : « Préserver et valoriser les identités paysagères en tenant compte de la forte dynamique de développement est donc une des priorités du SCoT :
    • en protégeant les paysages les plus emblématiques ou qui méritent une attention particulière, au sein des unités paysagères, au regard de leurs intérêts et des enjeux existants,
    • en renforçant durablement la protection des espaces naturels ou agricoles périurbains afin de lutter contre le développement de friches spéculatives »
    • Enfin, la réalisation d’une ISDI doit répondre aux besoins du territoire.

Or, il n’est présenté aucune analyse des besoins de la commune qui n’envisage aucune autre solution pour prévenir et gérer les déchets inertes telles que la prévention des déchets, notamment par le réemploi, la valorisation, la préparation en vue de la réutilisation, le recyclage, etc., comme prévu à l’article L 541-1 du Code de l’Environnement.

Subsidiairement, nous vous demandons, Monsieur le Préfet, de bien vouloir soumettre ce projet à une véritable évaluation environnementale (Concertation préalable, étude d’impact, étude de danger, enquête publique).

En effet, la localisation du projet, en prenant en compte les critères mentionnés au point 2 de l’annexe III de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, le justifie.
Dont extrait :
« La sensibilité environnementale des zones géographiques susceptibles d’être affectées par le projet doit être considérée  en prenant notamment en compte la capacité de charge de l’environnement naturel, en accordant une attention particulière aux zones suivantes: zones de montagnes et de forêts, zones répertoriées ou protégées par la législation des  États membres, zones de protection spéciale désignées par les États membres conformément à la directive 2009/147/CE  du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages et à la  directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et  de la flore sauvages »

Compte tenu de la non-contradictoriarité de la procédure engagée, je vous serais reconnaissant, Monsieur le Préfet, de  bien vouloir me tenir informé de votre décision au sujet de ce dossier.

Vous en remerciant par avance, je vous prie de bien vouloir agréer, Monsieur le Préfet,
l’expression de ma haute considération.
Argelès-sur-Mer, le 12 Septembre 2022